Arizona & Savannah

Le soleil me brulait presque les yeux. J'ai donc sorti mes lunettes de soleil de mon sac à main, tout en sortant de l'école pour aller m'acheter un café. L'école ne se trouvait qu'à quelques pas du starbucks Coffee. Souvent, j'en profitais pour sortir un petit peu, histoire de m'aérer l'esprit. Tout en marchant, j'observais les badauds. Certains semblaient heureux, d'autres moins. La plupart des gens marche sans se rendre compte du monde qui l'entoure. Je ne suis pas de ces personnes qui ne profitent pas de la vie. J'essaye tant que possible de faire un maximum de choses. J'ai connu la tristesse, l'angoisse, l'espoir, la solitude, je ne veux plus avoir à ressentir de telles choses. Tous les jours, je transporte la tristesse de la perte de mon mari et de ma soeur, je dois avancer. Je dois m'efforcer de vivre, pour eux.

Arrivée au Starbucks, je me suis directement dirigée vers le bar. Je ne voulais pas attendre que l'on vienne me servir à une table. Le barman ne me regardait pas, je l'ai alors doucement appelé. Lorsqu'il me demanda ce que je désirais, je n'ai pas tout de suite compris ce qu'il me disait. Je l'ai gentiment fait répéter et j'ai pu lire sur ses lèvres. Je lui ai commandé un café. J'avais bien besoin de ça pour continuer la journée. J'adore mon travail mais je me dois d'être toujours à 100% avec mes élèves. Alors que le barman préparait ma boisson, j'en ai profité pour regarder mon portable. J'avais reçu un message plus tôt dans la journée et je n'avais pas pu le lire avant. Ma mère me demandait de passer la voir avec Tiara dans la soirée. Je lui ai répondu que nous passerions mais que je ne savais pas à quelle heure. Je ne vis pas tout de suite le serveur parler. Il me tapota le bras pour me demander de payer. Je me suis excusée en lui expliquant que je n'entendais pas bien ce qu'il me disait. Pas besoin de crier que j'étais presque sourde...
Mon café à la main, j'ai fait de mon mieux pour ne pas renverser et je suis allée m'asseoir à une table. J'avais encore une heure à tuer avant de retourner au travail. Assise près de la fenêtre, j'adorais regarder les passants. Je me disais que j'étais normale en voyant certaines personnes téléphoner ou lire en marchant. C'était une chose que je ne pouvais plus faire. Je devais me concentrer essentiellement sur la route. J'ai bu une gorgée de mon café avant de continuer d'observer le monde extérieur.

Arizona & Savannah

Je m'étais réveillé ce matin avec une envie de bons cappuccinos, je m'étais préparé en quatrième vitesse et avais ensuite pris la direction du Starbucks. J'avais de la chance, il n'était pas loin de chez mes parents et je pouvais y aller à pied. Ce matin, je m'étais réveillé avec une douleur à la poitrine, ça m'arrivait souvent et j'attendais patiemment que la douleur disparaisse. Mais malheureusement des fois, il fallait plus d'une heure avant que je ne ressente plus rien au niveau de la poitrine. Je détestais me réveiller le matin comme cela. En même temps qui aimerait se réveiller avec l'impression qu'on vous appuie sur le coeur, personne. Je devais vivre ainsi, je ne pouvais rien faire, je devais attendre patiemment que mon corps détruise cette maladie et rester forte ou alors attendre le moment où je ne me réveillerais pas ou le moment où je tomberais par terre pour fermer les yeux pour toujours. Je suis heureuse dans ma vie, mais il y a quelquefois où je le suis moins, je me refuse de tomber amoureuse une nouvelle fois. J'ai peur que le prochain qui va renter dans ma vie me frappe encore comme le dernier. Je n'ai pas non plus envie qu'il me voit mourir, qu'il me voit dépérir à petit feu avant de sombre dans le sommeil éternel. Je sais, c'est égoïste de ma pars, mais en même temps, c'est pour me protéger et le protéger lui. Je ne sais pas si je supportais le voir souffrir à cause de moi, je sais qu'il garderait la tête haute, pour me montrer que ça va. Mais au fond de lui, il serait détruit comme beaucoup d'hommes à sa place, perdre son âme sœur, est quelque chose d'insupportable et je le sais.

Je chassais encore une nouvelle fois cette penser de ma tête et marchais gracieusement les cheveux au vent vers le Starbucks où je pris comme prévu, mon cappuccino. Je plaque mon dos contre le bar et regarde la salle des yeux, mon regard se pose sur une jeune femme qui me paraît familière. Je m'approche d'elle et constate que c'est Savannah, une amie, elle m'avait gentiment dit oui pour passer quelques jours part semaine près des enfants sourds. Je n'aurais peut-être pas l'occasion de connaitre les bonheurs d'être mère et en acceptant ce que je lui avais proposé, elle m'avait rendu très heureuse. J'aime beaucoup les enfants et j'aime aussi aider ses élèves à ne pas voir leur différence comme un handicap, je fais partager mon combat contre le cancer avec eux. J'aime comme les enfants écoutent et comprennent, j'ai aussi appris pour eux à parler le langage des signes. Quand je leur parle, j'aime voir leur si petit sourire se dessiner sur leur visage. Je plonge mon regard dans celui de la jeune femme. « Bonjour Savannah, comment vas-tu ? Je peux m'asseoir ? » Je savais très bien qu'elle savait lire sur les lèvres, c'est pour cela que j'articulais comme il faut et que je parlais plus doucement que d'habitude.

Arizona & Savannah

La vie est parfois cruelle. Elle ne nous donne pas toujours ce que l’on souhaite. C’est comme ça. Je déteste me plaindre, c’est pourquoi je ne le fais que très rarement. Mais lorsque je vois mon amie Arizona s’approcher pour me saluer, je ne peux m’empêcher de repenser à tout ce qu’elle a dit à mes élèves. Elle doit se battre chaque jour contre le cancer qui la ronge. Je maudis toutes ces maladies insensées. Je déteste la simple idée qu’elles existent. Mais nous n’y pouvais malheureusement rien. Il faut vivre avec, un point c’est tout.
Arizona se poste devant moi, de sorte que je puisse lire sur ses lèvres. Elle est très prévenante, j’aime ça chez elle. On a appris à se connaître grâce à ses interventions dans ma classe. Les élèves l’adorent, mais qui ne l’aimerait pas ? Le sourire aux lèvres, je lui réponds, contente de la voir : « Hey, salut. Bien-sûr, assieds-toi. » Commençais-je par lui dire, toujours en souriant. « Ca va et toi ? » Je n’aimais pas lui poser cette question, j’avais toujours peur de sa réponse. Je m’efforçais de ne pas lui montrer mais je n’ai jamais été une très bonne comédienne. Lorsqu’il s’agit de cacher mes émotions, je suis très mauvaise. Il ne faut jamais me demander ce que je ressens car s’il s’agit d’une chose triste, je me mets directement à pleurer. J’exagère un tout petit peu. Je dois bien avouer qu’avec toutes les épreuves que j’ai traversées et toutes celles qui m’attendent, je suis plus forte. Je ne cesse de me répéter qu’il faut avancer, pas à pas. Ne jamais rebrousser chemin. La vie est cruelle et nous envoie un tas de contretemps mais c’est comme ça. Il faut faire face, coûte que coûte. J’espère tout de même ne plus avoir à souffrir comme auparavant. J’ai assez donné jusque-là. « Quoi de neuf ? » Repris-je, toujours en souriant. Je ne voulais pas qu’elle me parle de sa maladie, sauf si c’était pour se confier, je saurais l’écouter. Je suis là pour ça. « Les enfants me demandent chaque jour quand est-ce que tu reviendras en classe. » Ajoutais-je, ravie que mes élèves l’adorent. Je bois une gorgée de mon café et je me rends compte que certaines personnes ont le regard posé sur moi. Je me demande si je parle trop forte. Je ne m’habituerai jamais à être sourde. Je n’ai pas perdu l’ouïe à 100 % mais ce n’est tout de même pas facile de savoir si je parle trop fort. Je suis gênée, ce n’est pourtant pas la première fois que cela m’arrive. Je décide malgré tout de ne pas y faire de cas. Après tout, les gens peuvent bien penser ce qu’ils veulent, ça n’a pas à me gêner. Je fais de mon mieux pour me concentrer sur les réponses de mon amie, essayant d’oublier tous ces regards posés sur moi.