J’étais enfermé dans ma bulle, installé sur l’une des banquettes du bar, tapotant sur les touches de mon ordinateur. Je ne savais pas si l’on me regardait, je m’en fichais. J’écrivais, j’étais d’une concentration à toute épreuve. J’aime venir dans cet endroit, c’est bien plus calme que chez moi. Paradoxal n’est-ce pas ? Il fallait dire qu’avec mon isolation pourrie, entendre mes voisins forniqués joyeusement n’était pas grande source d’inspiration pour ma rédaction d’articles. Le plus troublant est de me dire qu’ils doivent entendre la même chose quand je remonte une ou deux filles dans mon appartement. Je suis encore jeune, ne serais-je pas le dernier des cons de ne pas en profiter ? Je me devais d’envoyer quelque ébauche à mon patron. Qu’il me tardait d’être à mon compte. D’être libre d’écrire à ma façon, de n’avoir que pour unique limite : ma conscience. Et il fallait avouer qu’elle ne me rattrapait que très rarement. J’en profitai également pour envoyer un mail à ma chère maman. J’aime prendre de ses nouvelles, je la rassure en lui disant que personne ne m’a encore cogné dessus et que je viendrais bientôt la voir. Je sais qu’elle n’aime pas que je fasse ce travail, je sais qu’elle voudrait que je me calme. Mais elle est heureuse, malgré tout. Je suis toujours une personne honnête, ouais. Je gagne ma vie honnêtement, même si ce n’est pas un job que les gens puissent apprécier. Qui aime les huissiers de justice ? Personne. Pourtant, il en fallait. Et bien, des journalistes fouineurs ; il en fallait. Et si je ne suis pas la personne al plus populaire qui soit, je me plais dans ma vie où personne n’attend rien de moi. Un gout de liberté que je ne saurais lâcher. Je suis moi même, qui peut prétendre avoir cette chance ?

Bref, j’étais en train d’écrire cet article sur ce professeur d’école pour sourds qui m’avait été bonne source d’inspiration lors de notre entretien. Je ressentais cette présence. J’avais beau être dans ma bulle, je savais pertinemment lorsque quelqu’un était dans mon dos à m’observer. Je pouvais presque imaginer son souffle au rythme de mes phrases. Je souris, mais elle ne pu le voir. Je faisais face à mon écran et j’inscrivis une pensée railleuse sur mon écran une nouvelle phrase. ‘Je n’aime pas que l’on lise par-dessus mon épaule.’ Je devinais presque son sursaut. Je relevais doucement la tête, je plonge mes yeux bleus dans son regard. Elle est très jolie, je reconnais très bien à présent la serveuse. Une petite nouvelle dont je n’avais vraiment eu l’occasion de faire la conversation. Je lui adresse un léger sourire avant de lui dire cette fois ci de front « Quel plaisir auriez-vous à lire le journal jeune fille si vous m’espionnez ? » Les rôles étaient quelque peu inversés, cela ne me dérange pas. J’aime sa curiosité, cela me prouve qu’elle a un esprit intéressant. Elle se met à coté de moi afin de m’épargner un torticolis. Je le trouve bien adorable. Je n’étais en rien agressif envers elle, quelle utilité aurais-je de lui sauter à la gorge pour quelques lignes dévorées par de si jolis yeux. Pourtant, quelque part au fond de moi, j’ai l’étrange sensation qu’elle meurt d’envie de me dire quelque chose. Les mots brulent ses lèvres et j’ai bien envie de choses indécentes de la voir si hésitante. « Comment tu t’appelles lonestar ? » Demandais-je alors en portant ma tasse sur mes lèvres. Je n’aime pas vraiment être coupé en pleine écriture, mais les imprévus font la beauté de notre monde j’en demeure persuadé.

Elle rougissait, je le trouvais parfaitement adorable. Elle me donne mon café et j’ai la bonté de le gouter. Je l’observe de ses yeux bleus que je sais être troublant, j’aime en jouer. Il ne faut jamais hésiter à abuser de ses atouts. Elle avait marmonné quelque chose. Je ne savais pas si elle savait seulement articuler ou si c’était moi qui étais devenu bien trop vieux pour entendre ; sans quoi c’était bien ennuyeux pour la suite de ma carrière. Il me sembla entendre le mot journal, mais sans grande conviction. Je l’invitais alors à se présenter. Chose qu’elle fit, mais elle enchérissait en parlant de Savannah comme une femme possiblement névrosée. C’était fortement intéressant, cette petite curieuse était vraisemblablement une personne surprenante. Je dessinais sur mes lèvres un sourire amusé ; secouant doucement la tête avant d’effacer la phrase que j’avais tapée en l’honneur de sa présence dans mon dos. Elle m’amusa beaucoup de sa réaction, comme si elle venait de trahir un secret. Depuis quand le job de barmaid était tenu au secret professionnel ?

Je la regarde de nouveau, la bavarde. Je suis assez doué pour me mettre ce genre d’individu dans la poche. Tout le monde a son prix. Que l’on parle d’argent ou d’autre chose. « Enchanté Alannah ; moi c’est Hunk. » Me contentais-je de dire. Probablement allait-elle croire que je n’avais pas entendu ou que je me foutais complètement de l’information qu’elle venait de m’offrir aussi gracieusement. Les présentations faites, je m’adosse à la banquette. Oublie un peu mon ordinateur avant de reprendre cette conversation des plus passionnantes « Ne te fait pas de bile, ce genre d’histoires ne sont pas des cas isolés. » Je lui fais signe de s’asseoir en face de moi, une invitation silencieuse dont je lui laisse le choix d’accepter ou non. Le bar est plutôt calme, pourtant je sais bien que les patrons n’aiment pas forcement que leurs employés discutent au lieu de travailler. Il y avait toujours quelque chose à faire, passer un coup de balais ou laver les vitres. Mais bavarder, n’était en rien lucratif. Du moins, ça dépend pour qui. « Ceci dit, si tu as plus à me dire… Dans le genre, vendeur. Je crois que je peux grandement m’intéresser à tes petites histoires. J’aime te savoir d’une oreille attentive. » Je souris, je suis quelque d’étrange je le sais pertinemment. Pourtant, je suis tout à fait sociable et j’aime discuter avec les autres même si j’en cherche toujours le profit. D’un premier abord, je suis une personne sympathique. Mais l’on apprend rapidement à me haïr.

Je pousse un peu mon ordinateur, fait un peu de place pour mon café. Ce n’était pas le moment d’inonder le circuit de cet engin. Je serais bien dans l’embarras bien que j’avais toujours cette jeune femme qui vivait deux étages en dessous et qui m’avait sauvé le disque dur de mon ancien mac. Dans un sens, je note que je dois bien évidement me méfier de ce joli cœur, que son oreille traine un peu trop. Ses yeux aussi. Je lui souris pourtant ; je m’intéressais beaucoup à elle à cet instant bien qu’elle pouvait perdre mon intérêt d’un claquement de doigt. « Jouons aux mégères… » Plaisantais-je en souriant.

Elle décide de s’asseoir face à moi, j’apprécie sa décision bien que j’ai clairement compris son hésitation. Pesant rapidement le pour et le contre, elle sembla trouver bien plus de pour à me tenir compagnie plutôt que de me la fausser. Je n’en serais pas rendu à m’en plaindre. Nous nos fixions, je lui propose de parler et elle grimace comme si j’étais sur le point de lui tirer les vers du nez. Cependant, je n’eus besoin de la prier davantage pour avoir quelques compléments d’informations qui méritaient à cet instant mon intérêt absolu. Je crois bien qu’il y en avait sujet à pousser un peu plus l’enquête de mon coté également. Elle se lève, elle a l’air sur ressors. Elle m’amuse beaucoup. Elle essuie la table et termine sur une conclusion qui eut le don de me faire rire un instant. Non pas moqueur, vraiment très diverti par cette personne qui me faisait face. Je croise les bras devant mon torse, plante mon regard dans celui de cette femme que je ne doutai pas être intelligente une seule seconde. Elle était d’une bonté écœurante, voila son problème. L’intelligence entachée pas le souci d’autrui.

« Alannah ma jolie, la vie n’est rose pour personne. » Pas même pour moi. Oui, ma vie était loin d’être aussi belle. Je n’en disais rien, je m’en amusais. Je prenais toutes ces choses avec beaucoup de philosophie et cela m’amusait beaucoup de voir les autres se lamenter sur leur propre sort. Et puisque les événements de leur vie les affecte tant, qu’ils avaient un tel impact sur leur vie, je me demandais alors pourquoi ne pas les divulguer à tous ? J’étais un démon aux yeux du public, une personne repoussante par ses actes et sa façon de concevoir le monde. J’assume. Je n’ai point honte de ce que je suis et je peux bien répugner par ma nature, je ne changerais pas. Ma vie est simple finalement. Elle n’est pas rose, elle est simple. Elle est comme celle des autres, mais elle est simple parce que je n’accorde pas plus d’importance que cela à mes problèmes.

« Et ceux qui te disent le contraire, alors crois-moi… C’est qu’ils cachent dans leurs passé de secrets noirs et insoutenables. Que puisse t-il y avoir de plus épanouissant que le déni ? » Je n’attendais pas de réponse, il n’y en avait pas vraiment. Je parlais de réflexion, je parlais de philosophie. Je lui souris. Je ne sais pas si elle veut s’en aller ou si elle désire encore discuter avec moi, elle est debout et j’aimerai qu’elle soit plus stable ; pourtant elle m’est plaisante dans ses comportements presque un peu trop enfantin. D’une innocence touchante, oui les gens m’atteignent même si je ne le montre pas. Je suis juste plus malin qu’eux pour ne pas m’exposer en sentiment. Mais je n’ai pas la prétention de ne rien ressentir, je ne suis pas une pierre. « Mais merci, rassures toi personne en sauras que tu es tout aussi bavarde que curieuse. Je peux t’offrir quelque chose ? » Ma dernière phrase, je le jette comme si de rien n’était. Je lui propose. Elle me plait beaucoup, j’avoue que je ne dirais pas non de lui ôter son joli tablier. Mais là, je travaille. Je n’aime pas me déconcentrer, j’aimerais savoir si elle pourrait mettre utile à l’avenir. Elle est intrigante à mes yeux. J’ai juste envie d’en savoir plus, moi aussi je suis très curieux. Beaucoup trop.

Spoiler:

Elle me demande alors ce qui m’intéresse, je l’observe de mes grands yeux bleus presque trop amusés par cette jeune femme. Elle se méfie de moi, je le sens, je ne sais pourquoi. Je ne lui veux aucun mal, du moins pour le moment. Serait-ce malvenu à ses yeux qu’elle puisse me plaire également physiquement ? Où disait-elle cela parce qu’elle ne voulait plus parler sur les autres, ce serait bien ennuyeux. Mais qu’elle se rassurement, je saurais se débrouiller sans elle, je l’avais toujours fait. Personne n’était indispensable dans ce métier, c’était ce qui le rendait si tragique. Elle croise les bras ; je décide d’adopter une posture des plus pacifiques avant de répondre tout simplement ce qui ne me mettrait point dans l’embarras. « Je crois que ça ne dépend que de toi. » Je souriais toujours, je ne livrais pas aussi facilement qu’elle mes émotions. Elle me semble un livre ouvert, j’aime croire qu’elle peut me surprendre. Je ne la prends pas pour une fille facile, loin de là. J’aime cette façon qu’elle a de vouloir me résister malgré elle. « Je suis du genre à accepter ce que l’on me propose, pourvu que ça en vaille la peine. » Je ne suis pas une personne arrogante, je suis juste enfermé dans ma ceinture de sécurité. Je ne m’expose pas, qui cela peut bien intéresser après tout ? Je ne suis que moi, je ne suis que celui qui détruit. Je n’ai aucune histoire extraordinaire, rien qui ne mérite d’être écrit nulle part. Un calme plat, un électrocardiogramme sans intérêt.

« Tu n’es pas obligé d’accepter mon invitation. C’est… Pour faire connaissance. » Je lui adresse un clin d’œil. Je retire la cuillère de mon café pour en boire quelque gorgée. Je l’ai posé sur le papier et une auréole brune se dessine sur l’essuie main. Je repose ma tasse et je soupire. Près à reprendre mon travail si elle décidait de me fausser compagnie. Je me jurais de ne pas lui en tenir rigueur. Je n’étais pas du genre rancunier, je la laissais avec sa conscience. Elle avait l’opportunité d’en avoir une, à sa santé !